Biography
« Je me rends compte au fur et à mesure du temps, que ce que je fais, c'est quasiment ce que je faisais il y a dix ans, c'est-à-dire des carnets avec plusieurs motifs à l'intérieur ou des mises en scène, qui donnent à la fin des sortes de cadavres exquis, des collages. Et en fait, je ne fais que ça, je ne fais que du collage. »
La pratique de Mathilde Denize est orientée vers la peinture, le travail d’installation, la composition sculpturale, la performance et la vidéo. Son travail est né d’une volonté de faire émerger du sens d’un présent fragmenté. 
Collectionneuse d’objets mis au rebut, l’artiste réalise d’abord des assemblages pauvres hérités de Fluxus, avant de se lancer dans une quête de la figuration. Malmenée, la figure humaine lui résiste, elle est donc finalement effacée par le découpage de ses toiles non-achevées.
Ainsi, de nouvelles œuvres naissent des vestiges du passé, évoquant la figure, le corps et l’absence. Inspirée par des artistes expérimentaux, comme Carolee Scheemann ou Serguei Paradjanov, elle met en scène le corps à travers une peinture découpée et assemblée en costumes. Ces vêtements servent à la fois d’armure et de camouflage, et vont jusqu’à être portés par des danseurs ou acteurs au sein de performances ou de vidéos - court métrage Tell me if it’s not new développé à la Villa Medicis.
Par une gestuelle subtile, Mathilde Denize constitue un ensemble de formes oubliées et anonymes, témoins d’une archéologie contemporaine.
 

 

Mathilde Denize's artistic focus spans painting, installation art, sculptural composition, performance, and video. Her creative journey is driven by a quest to infuse meaning into a fractured present.

Starting as a collector of discarded objects, the artist initially crafts modest assemblies inspired by Fluxus. Later, she delves into a pursuit of figuration. The human form, weathered and worn, resists her endeavors and is ultimately obliterated through the cutting of her incomplete canvases.

From the remnants of the past, new works emerge, invoking themes of the figure, the body, and absence. Drawing inspiration from experimental artists like Carolee Scheemann or Serguei Paradjanov, Denize orchestrates the portrayal of the body through meticulously cut and assembled paintings that morph into costumes. These garments serve dual roles as both armor and camouflage, even finding a place on the bodies of dancers or actors in performances and videos — such as the short film "Tell me if it’s not new," developed at the Villa Medicis.

With nuanced gestures, Mathilde Denize assembles a collection of overlooked and nameless forms, acting as witnesses to a contemporary archaeology.

 
Works
Video
Exhibitions
Texts

Les peintures, sculptures et installations de Mathilde Denize résultent de gestes simples,
de collections de matériaux pauvres, de mouvements perpétuels et de mutations. Cette économie de moyens implique une approche intuitive basée sur la modestie. 

Tout commence par l’envie de peindre et de figurer le genre humain. Un travail que Mathilde Denize mène de front alors qu’elle se forme dans l’atelier de peinture de Djamel Tatah à l’École nationale supérieure des beaux- arts de Paris. Elle va peu à peu ouvrir sa pratique à la collecte d’objets, de fragments, qui vont constituer un répertoire de matériaux, de textures, de formes et de couleurs. Ces objets sont accidentés, incomplets, décontextualisés. Ils portent des histoires silencieuses et impalpables que l’artiste va s’employer à rendre visibles. Dans son atelier, ils sont disposés sur des étagères, dissimulés dans des boîtes ou présentés au sol, sur des socles, ou bien encore accrochés aux murs. Une pierre taillée, un morceau de tissu, un citron séché, les feuilles d’une plante, une forme à chapeau, une photographie en noir et blanc, un échantillon de papier peint. Leur réunion dans un même espace donne lieu à une multitude d’expérimentations formelles, où elle juxtapose ou emboîte chacun des éléments à l’aide d’un clou, un élastique, une ficelle de laine nouée. Les gestes respectent l’intégrité de l’objet original : glisser une photographie entre deux pierres, poser une peau de clémentine sur un morceau de bois, insérer une forme en plâtre dans une boîte. Les assemblages prennent la forme de totems ou d’autels païens mystérieux.

LES PETITS RIENS DU QUOTIDIEN

Ces objets forment les éléments d’un langage que Mathilde Denize construit et déconstruit au fil du temps : un langage intuitif, physique, formel et mémoriel héritier de pratiques artistiques issues de mouvements historiques, comme le land art et l’arte povera, mais aussi d’artistes tels que Robert Filliou, Hans Arp, Kurt Schwitters ou Joseph Beuys. En se saisissant des petits riens du quotidien, elle en- gendre des œuvres qui traduisent une réflexion sur le temps, le corps, la mémoire, la présence et l’absence. Des problématiques ayant trait à la strate, la variation, la métamorphose, la réparation et le mouvement. Le langage plastique de Mathilde Denize échappe à la fixité, aux règles ou à tout système. Si, au départ, dans la mise en volume, les œuvres étaient entièrement pensées à partir d’objets récoltés et présentés tels des ready-made, l’artiste intègre progressivement des éléments qu’elle réalise : des moulages de bouches en béton, des sculptures en céramique émaillée ou en bois peint. L’observation des fragments a engendré leur transposition dans de nouveaux matériaux ou d’autres supports. En ce sens, la peinture a retrouvé une place importante dans son processus de création. Exit la figure humaine, exit le combat. Les œuvres peintes sur toile sont régies par la couleur, la lumière et la présence d’objets- motifs, de formes indéterminées. Mathilde Denize crée différents plans pour structurer ses compositions et donner un support à ses natures mortes, ses ex-voto énigmatiques. Les peintures plus anciennes font aussi l’objet d’un recyclage et deviennent un matériau à part entière. L’artiste découpe à même les toiles peintes des silhouettes humaines dont il ne reste plus que les vêtements : une chemise, un pantalon, des maillots de bain. Les extractions à la fois picturales et sculpturales donnent lieu à des œuvres en haut-relief au sein desquelles l’objet et la peinture sont hybridés, réconciliés.

L’œuvre de Mathilde Denize atteste d’une impossibilité à figurer le monde d’une manière pleine, totale et fixe. Les sculptures et les peintures sont sujettes à de multiples transformations, déplacements et recyclages. Une œuvre en cache une autre en devenir. D’une exposition à une autre, l’artiste « performe » ses œuvres en modifiant leur état « premier », un état passager, en transition. Avec une approche sensible et modeste, elle remet en cause ce qui, dans l’œuvre d’art, fait autorité : son état définitif, sa valeur, sa temporalité et sa conservation, ainsi qu’une volonté généralisée de démonstration et de spectacle qui anime le monde de l’art depuis la fin du 20e siècle. Aux grands effets, elle favorise les petits moyens, des fragments d’histoires anonymes, de non-événements, des bribes de souvenirs qu’il nous faudra reconstruire ou fa- briquer. Si les œuvres de Mathilde Denize révèlent peu de son histoire personnelle, elles investissent d’autres territoires : l’éphémère, de l’incertitude, la pudeur, l’incomplétude ou encore la discrétion. En cela, elles représentent un mode d’expression personnel. Il en résulte un langage plastique très libre qui engage une réflexion ténue et sincère portée sur l’histoire et l’actualité d’un monde au sein duquel les notions de vérité, de certitude et de confiance vacillent non sans violence. C’est ce mouvement, empreint d’une inquiétude et d’une immense liberté, qu’elle ne cesse de mettre en œuvre afin de redéfinir les possibles. 

Julie Crenn, artpress, 2017

 


 

The paintings, sculptures, and installations of Mathilde Denize result from simple gestures, collections of humble materials, perpetual movements, and mutations. This economy of means implies an intuitive approach based on modesty.

 

It all begins with the desire to paint and represent the human genre. A task that Mathilde Denize undertakes while training in the painting studio of Djamel Tatah at the National School of Fine Arts in Paris. Gradually, she opens her practice to the collection of objects, fragments that constitute a repertoire of materials, textures, shapes, and colors. These objects are battered, incomplete, and decontextualized. They carry silent and intangible stories that the artist endeavors to make visible. In her studio, they are arranged on shelves, hidden in boxes, or presented on the floor, on pedestals, or even hung on walls. A carved stone, a piece of fabric, a dried lemon, plant leaves, a hat form, a black and white photograph, a sample of wallpaper. Their gathering in the same space leads to a multitude of formal experiments, where she juxtaposes or fits each element using a nail, a rubber band, or a knotted wool string. The gestures respect the integrity of the original object: sliding a photograph between two stones, placing a clementine peel on a piece of wood, inserting a plaster form into a box. The assemblies take the form of mysterious pagan totems or altars.

 

THE LITTLE THINGS OF DAILY LIFE

 

These objects form the elements of a language that Mathilde Denize constructs and deconstructs over time: an intuitive, physical, formal, and memorial language inheriting from artistic practices of historical movements such as land art and arte povera, but also from artists like Robert Filliou, Hans Arp, Kurt Schwitters, or Joseph Beuys. By seizing the little things of daily life, she generates works that reflect on time, the body, memory, presence, and absence. Issues related to strata, variation, metamorphosis, repair, and movement. Mathilde Denize's plastic language escapes fixity, rules, or any system. Initially, in volumetric representation, the works were entirely conceived from collected objects and presented as ready-mades. The artist gradually incorporates elements that she creates: castings of mouths in concrete, sculptures in glazed ceramic or painted wood. The observation of fragments has led to their transposition into new materials or other supports. In this sense, painting has regained an important place in her creative process. Goodbye to the human figure, goodbye to the battle. The paintings on canvas are governed by color, light, and the presence of object-motifs, indeterminate forms. Mathilde Denize creates different planes to structure her compositions and provide support for her still lifes, her enigmatic ex-votos. Older paintings are also recycled and become a material in their own right. The artist cuts human silhouettes directly from painted canvases, leaving only the clothes: a shirt, pants, swimsuits. The pictorial and sculptural extractions result in high-relief works in which the object and the painting are hybridized, reconciled.

 

Mathilde Denize's work attests to an impossibility to represent the world in a full, total, and fixed manner. Sculptures and paintings are subject to multiple transformations, displacements, and recyclings. One work hides another in the making. From one exhibition to another, the artist "performs" her works by modifying their "original" state, a passing state, in transition. With a sensitive and modest approach, she questions what, in the work of art, holds authority: its final state, value, temporality, and conservation, as well as a widespread desire for demonstration and spectacle that has animated the art world since the late 20th century. Instead of grand effects, she favors small means, fragments of anonymous stories, non-events, snippets of memories that we will have to reconstruct or fabricate. While Mathilde Denize's works reveal little about her personal history, they invest in other territories: the ephemeral, uncertainty, modesty, incompleteness, and discretion. In this way, they represent a mode of personal expression. The result is a very free plastic language that engages in a delicate and sincere reflection on the history and present of a world in which notions of truth, certainty, and trust waver not without violence. It is this movement, marked by unease and immense freedom, that she continues to implement to redefine possibilities.

 

Julie Crenn, artpress, 2017

Art Fairs