« le parcours artistique atypique et quasi clandestin de Juliette Roche, qui, pour s’Être ÉlaborÉ au contact direct d’avant-gardes successives, n’aura jamais cessÉ de rester Éminemment personnel ».
Christian Briend
Conservateur en chef du Centre Pompidou
Juliette Roche (1884 -1980), Peintre et écrivaine française.
Juliette Roche fréquente très jeune la sphère artistique parisienne, grâce à sa marraine, la comtesse Greffulhe, et au filleul de son père, Jean Cocteau. Soutenue par son père, Jules Roche, un homme politique important, elle étudie la peinture à l’académie Ranson. Adoptée très tôt par le groupe des Nabis, elle découvre le cubisme en 1912, et rompt alors avec Félix Vallotton et Maurice Denis. En 1913, année phare, elle expose au Salon des indépendants et écrit des poésies, où elle insère, dans le tissu poétique, une phrase toute faite, tel un slogan publicitaire. Elle expérimente également une typographie novatrice qui deviendra encore plus iconoclaste en 1917, avec Brevoort et Pôle tempéré. Sa première exposition personnelle a lieu à la galerie Bernheim-Jeune en 1914. Quand la guerre est déclarée, pacifistes convaincus, l’artiste et son futur mari, le cubiste Albert Gleizes, rejoignent New York, où Duchamp les introduit dans le cercle des collectionneurs animé par Louis et Walter Arensberg.
Dès 1915, elle participe aux activités Dada, avec Duchamp et Picabia. Après un long séjour à Barcelone, le couple Gleizes, qui expose à la galerie Dalmau, revient à New York ; J. Roche collabore avec Duchamp à la préparation de la première exposition de la Society of Independant Artists (avril 1917), où elle présente quelques œuvres d’inspiration dadaïste. Elle travaille sur le « second degré » : dans Nature morte au hachoir, l’appareil reflète une image décentrée de la guerre. En 1919, de retour à Paris, elle commence la rédaction de son récit, La Minéralisation de Dudley Craving Mac Adam, publié en 1924 et évoquant les aventures d’Arthur Cravan et des exilés à New York. En 1921, sa poésie, État… colloïdal, paraît dans Creación, le périodique de Vincente Huidrobro. En 1927, elle fonde avec son mari la résidence d’artistes de Moly-Sabata à Sablons, qui met à disposition des ateliers artisanaux et réunit, entre autres, Anne Dangar (1885-1951), Jacques Plasse Le Caisne. J. Roche est alors une fervente militante de l’éducation artistique populaire. Elle participe épisodiquement à des expositions collectives. une importante rétrospective lui est consacrée en 1962, à la galerie Miroir à Montpellier, mais c’est surtout à partir des années 1990 que son rôle dans le mouvement Dada est reconsidéré.
Extrait du Dictionnaire universel des créatrices
© 2013 Des femmes – Antoinette Fouque
Juliette Roche (1884-1980), french painter and writer.
Juliette Roche frequented the Parisian artistic scene from an early age, thanks to her godmother, Countess Greffulhe, and her father’s godson, Jean Cocteau. Supported by her father, Jules Roche, an important politician, she studied painting at the Académie Ranson.
Adopted early on by the Nabis group, she discovered Cubism in 1912, decided to break up with Félix Vallotton and Maurice Denis. In 1913, she exhibited at the Salon des indépendants and wrote poems.
Her first solo exhibition took place at the Bernheim-Jeune gallery in 1914. When war was declared, the artist and her future husband, the cubist Albert Gleizes were convinced pacifists and headed for New York, where Marcel Duchamp introduced them to the circle of collectors led by Louis and Walter Arensberg.
From 1915, she participated in Dada activities with Duchamp and Francis Picabia. After a long stay in Barcelona, the Gleizes couple, who were exhibiting at Galerie Dalmau, returned to New York. Juliette Roche collaborated with Marcel Duchamp in preparing the first exhibition of the Society of Independent Artists (April 1917), where she presented a number of Dadaist-inspired works. She worked on the «second degree», in Nature morte au hachoir, the object reflects a decentered image of the war
In 1919, back in Paris, she began writing La Minéralisation de Dudley Craving Mac Adam, published in 1924 and evoking the adventures of Arthur Cravan and the exiles in New York.
In 1921, her poetry, État... colloïdal, appeared in Creación, Vincente Huidrobro’s periodical.
In 1927, together with Albert Gleizes, they founded the Moly-Sabata artists’ residence in Sablons (first ever artist residency), which provided handicraft workshops and brought together, among others, Anne Dangar (1885-1951). At the time, Roche was a fervent supporter of popular art education.
A major retrospective exhibition was held in 1962 at the Galerie Miroir in Montpellier, but it was not until the 1990s that her role in the Dada movement was reconsidered.
In 2022 and 2023 numerous paintings entered important public collections such as Orsay Museum Paris or Centre Pompidou Musée National d’Art Moderne. The Albert Gleizes Foundation has chosen Pauline Pavec Gallery to take over the Estate of Juliette Roche.
Collections Publiques
Paris, Musée Carnavalet
Paris, Musée national d’art moderne, Centre Pompidou
Paris, CNAP
Besançon, Musée d’art et d’Archéologie
Blérancourt, Musée franco-américain
Céret, musée d’art moderne
Les Sables d’Olonne, MASC Musée d’art moderne et contemporain
Lyon, Musée des Beaux-Arts
Montpellier, Musée Fabre
Pont-Aven, Musée
Rennes, Musée des Beaux-Arts
Roubaix, Musée La Piscine
Rouen, Musée des Beaux-Arts
Saint-Germain-en-Laye, musée Maurice Denis
Saint-Rémy-de-Provence, Musée Estrine
Thonon-les-Bains, Musée du Chablais
Valence, Musée des Beaux-Arts
Fondation des Artistes
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UN NABIS FÉMININ ?
Formée par d'obscure petis maître académique, Edmond Borchard puis Charles-Frédéric Lauth, deux anciens élèves d’Alexandre Cabanel, Juliette Roche n’en est pas moins attirée par des tendances artistiques plus avancées. Ses premiers envois dans des Salons parisiens en 1906 sont d’ailleurs destinés non aux Artistes français ou à la Société nationale des beaux-arts, comme on aurait pu s’y attendre, mais bien à celui des Indépendants, où s’expriment librement les premières avant-gardes du XXe siècle. Pourtant, plutôt que vers les fauves, ses contemporains excts, qui s'y sont révélés avec éclat l’année précédente, Juliette Roche se tourne vers des aînés, les Nabis, dont les manifestations initiales remontent quand à elles aux années 1880. Leur influence se fait clairement sentir chez la jeune femme dans les scènes de genre qui dominent sa production avant la Première Guerre mondiale. Parmi les membres de ce groupe, celui dont elle subit à l’évidence l’ascendant, davantage que Maurice Denis, Paul Sérusier ou Édouard Vuillard, est Paul Vallotton, avec qui elle partage, au moins dans un premier temps, le goût pour une synthèse formelle et pour certaines bizarreries iconographiques. En témoignent des compositions, aujourd’hui disparues, comme celle montrant des femmes réunies sur un trottoir de village, caractérisée par une facture lisse et des formes abrégées. L’appropriation par Juliette Roche du thème des jardins publics prouve, s’il en était besoin, sa révérence envers l’art nabi, même si elle ne tarde à faire entendre sa voix discordante. Ses étouffants jardins urbains, apparamment réservés à la seule gent féminine, révèlent en effet une personnalité déjà affirmée. La perspective écrasée, la touche épaisse, presque grumeleuse, les coloris acides les distinguent, tout comme les traits caricaturaux de certaines figures. De fait, dans ses peintures de cette époque Roche semle tiraillée entre sa fidélité à l'esthétique nabi et de penchants naturalistes, voire expressionnistes, sensibles dans certaines de ses premières œuvres. Dans le choix de ses sujets, qui s’inscrivent presque tous dans l’espace public, elle s’intéresse aussi à des sphères d’activités bien éloignées des sages représentations familiales dont les Nabis s’étaient fait la spécialité. Le petit commerce, les nouvelles pratiques sportives, les loisirs huppés de sa classe sociale ainsi que le monde parfois inquiétant du spectacle, comme ces cabarets à la clientèle équivoque, lui inspirent des compositions qui ne se cantonnent pas à la capitale. Curieuse de la vie des gens de peu, Roche décrit également dans des coloris assombris la petite paysannerie récemment urbanisée de cette Ardèche à laquelle elle est familialement attachée.
Le Paris de Juliette Roche est non seulement celui des beaux quartiers (les Champs-Elysées, la place Victor-Hugo, l'esplanade des Invalides), mais aussi celui des arrondissements plus populaires comme les pentes de Montmartre où, s’évadant de son propre milieu, il lui arrive d’explorer les marges de la société. Discrètement subversives, les deux compositions qu'elle situe rue Victor-Massé sont suffidament importantes à ses yeux pour avoir fait l’objet de plusieurs études dessinées ou peintes. Elles font apparaître des minorités ethniques (dès cette époque Roche est une pionnière méconnue dans la représentation des Noirs) ou sexuelles, comme ce couple de femmes fréquentant une boutique de masques. Amie proche de Jean Cocteau, dont elle ne devait cependant jamais achever le
portrait et que sa notoire homosexualité était loin d'effaroucher, Juliette Roche est d’ailleurs l’auteur de dessins intimes ne laissant guère de doute sur son attrait pour le thème saphique, que ses années américaines ne feront que confirmer.
"JE NE SERAI JAMAIS CUBISTE"
Quand Riccitto Canudo, le directeur de la "gazette d'art célébriste" Montjoie !, fait se rencontrer en 1913 Juliette Roche et Albert Gleizes, alors figure marquante du cubisme, cette dernière est loin de découvrir ce mouvement novateur. Révélé au public parisien aux Indépendants de 1911, le cubisme - celui tout du moins "des Salons"- est depuis deux ans dans tous les esprits. Intriguée par ce nouveau courant, Roche n’en poursuit pas moins sa production figurative, dont elle présente un large échantillon chez Bernheim-Jeune au printemps 1914. Il faut attendre son séjour à Barcelone deux ans plus tard, en compagnie de celui qui est devenu son mari, pour voir apparaître de premières influences cubistes dans son œuvre. Si une Danseuse espagnole est redevable à celles que Gleizes peint au même moment (et qu’il exposera à la galerie Dalmau en décembre 1916), Roche ne tarde pas à se démarquer, encore une fois, en rejetant l’orthodoxie cubiste prônée par son mari. Dans sa série consacrée aux Ramblas de Barcelone, dont certaines adoptent la composition en frise de bas-reliefs égyptiens, elle recourt parcimonieusement aux décompositions prismatiques chères aux cubistes et se contente de simples aplats géométrisés. Cette séquence paraît d'ailleurs se conclure avec des figures au réalisme outrancier, où le cubisme a encore moins sa part. Formellement composites, ses deux nature mortes au porrón confirment l'utilisation ponctuelle que Roche fait alors du vocabulaire cubiste. Dans la version du musée des Beaux-Arts de Lyon, contrastant avec le fond constitué de plans imbriqués, le récipient catalan et le vase du premier plan, l’un en aplat, l’autre modelé, sont ainsi exempts de toute géométrisation Dans cette peinture, comme plus tard avec ses Acrobates, l’apparition de disques colorés trahit sans doute l'influence diffuse de Robert et Sonia Delaunay, qui, alors dans leur période portugaise, en font grand usage.
Au retour des Gleizes à New York, le cubisme est devenu une composante parmi d’autres du style de Juliette Roche. Elle s’en sert pour compartimenter l'espace de la piscine d'un hôtel de Brooklyn, suggérant ainsi les visions successives et proprement renversantes d’un nageur s’élançant d’un plongeoir. Inspirée par les rythmes syncopés du jazz dont elle a pris connaissance à son arrivée dans la métropole américaine, elle propose avec ses Couples de danseurs une version éclectique du cubisme où les formes éclatées, parmi lesquelles surgissent des gratte-ciel, se couvrent d’obsédants motifs décoratifs. Pour le Hachoir, qui constitue son unique contribution picturale à la scène dada, elle se souvient moins du Moulin à café peint en 1911 par Marcel Duchamp (Londres, Tate) qu’elle ne pastiche les récentes compositions mécanographiques de Francis Picabia, recourant comme lui à un pigment métallisé. Le placement un peu maladroit d’un petit collage de papiers journaux, qui transforme cette représentation d’un objet usuel en un plaidoyer pacifiste, trahit une sous-estimation des ressources plastiques des papiers collés, telles du moins que leurs inventeurs, Braque et Picasso, les avaient expérimentées à partir de 1912.
Plus de trace de cubisme en revanche dans son emblématique American Picnic aux formes souples et aux coloris éclatants. Déjà mise en œuvre dans ses représentations de danseurs en pantins désarticulés ou d’acrobates lançant des anneaux de couleurs, la stylisation des corps y est spectaculaire, qui culmine avec deux fusionnelles danseuses nues dont les bras dessinent une arabesque ininterrompue. Conçue dans le secret d’un atelier new-yorkais, laissée inachevée, ramenée en France et jusqu’à ce jour jamais exposée, cette monumentale scène chorale a été peinte à même la toile sans couche de préparation, à la manière d’un décor de théâtre. Sans équivalent pour l’époque, la composition frappe par son caractère syncrétique, Juliette Roche assemblant en un tout étrangement harmonieux des éléments disparates. Dans un paysage édénique dont le style synthétique doit quelque chose aux peintures tahitiennes de Paul Gauguin, tout autant qu’à la plus récente Danse de Matisse (Saint- Pétersbourg, musée de l’Ermitage), évoluent des créatures longilignes lointainement inspirées de certaines figures rouges de vases grecs antiques. Peints dans un éclatant orangé, ces danseurs "peaux-rouge" à la nudité asexuée se distribuent en trois groupes, dont la chorégraphie semble se souvenir de celle réglée par Nijinsky pour le Sacre du Printemps. Au centre de la composition, sur un tapis jaune vif, deux femmes, une Noire souriante et une Blanche, ont rejoint l'une de ces créatures pour un moment de détente, voire de flirt, tandis que des animaux sauvages défilent au premier plan entre des champignons géants. En surimpression, contredisant les effets de perspective, un buisson de motifs géométriques, relevés sur quelques céramiques Hopi ou Navajo vient s'insérer entre les danseurs.
Juliette Roche, qui s'est représentée fixant le spectateur sur la droite, ne nous a laissé aucun commentaire sur cette stupéfiante composition, dont le titre prévu ne nous est d’ailleurs pas parvenu. Il est aisé cependant d’interpréter cette vision naturiste d’un Âge d’or utopique, où toute différenciation ethnique ou sexuelle disparaît, comme un manifeste, doublé d’un plaidoyer en faveur des populations natives de l’Amérique. Roche déclinera à plusieurs reprises (y compris sur céramique, cette image fantasmée d’un monde sans hommes, comme dans une œuvre un peu plus tardive où les figures du premier plan, plus évidemment féminines, se mêlent à des jouets d’enfants agrandis. Désormais cependant les femmes de couleur, rassemblées autour d’un bassin sous les fenêtres d’une demeure patriarcale, ont renoncé à rejoindre leurs sœurs.
Christian Briend,
Conservateur en chef du Centre Pompidou
Extrait du catalogue de l'exposition Juliette Roche l'Insolite, 2023
A FEMININE NABIS?
Trained by obscure academic masters, Edmond Borchard and then Charles-Frédéric Lauth, both former students of Alexandre Cabanel, Juliette Roche is nevertheless drawn to more advanced artistic trends. Her initial submissions to Parisian Salons in 1906 are not aimed at the French Artists or the National Society of Fine Arts, as one might expect, but rather at the Independents, where the first avant-gardes of the 20th century freely express themselves. Instead of aligning herself with the Fauves, her contemporaries who had emerged brilliantly the previous year, Juliette Roche turns to older artists, the Nabis, whose initial manifestations date back to the 1880s. Among the members of this group, the one she clearly looks up to, more than Maurice Denis, Paul Sérusier, or Édouard Vuillard, is Paul Vallotton, with whom she shares, at least initially, a taste for formal synthesis and certain iconographic oddities.
Evidence of Juliette Roche's adoption of the theme of public gardens proves her reverence for Nabi art, even though she soon begins to express her discordant voice. Her stifling urban gardens, apparently reserved for women, reveal an already assertive personality. The flattened perspective, thick almost lumpy brushstrokes, and acidic colors distinguish them, along with the caricatural traits of certain figures. Indeed, in her paintings from this period, Roche seems torn between her loyalty to Nabi aesthetics and naturalistic or even expressionistic tendencies evident in some of her early works. In choosing her subjects, which almost all belong to public spaces, she also explores spheres of activity far from the serene family representations that the Nabis specialized in. Small businesses, new sports practices, the upscale leisure of her social class, as well as the sometimes unsettling world of entertainment, such as cabarets with ambiguous clienteles, inspire compositions that extend beyond the capital. Curious about the lives of ordinary people, Roche also describes, in darkened colors, the recently urbanized peasantry of Ardèche, to which she is personally attached.
Juliette Roche's Paris is not only that of the upscale neighborhoods (Champs-Elysées, Place Victor-Hugo, Esplanade des Invalides) but also that of more popular districts like the slopes of Montmartre where, escaping her own milieu, she explores the margins of society. Discreetly subversive, the two compositions set on Rue Victor-Massé are significant enough to have been the subject of several drawn or painted studies. They depict ethnic (Roche is an overlooked pioneer in the representation of Black people at this time) and sexual minorities, such as a couple of women visiting a mask shop. A close friend of Jean Cocteau, whose portrait she never completed, and whose notorious homosexuality did not dismay her, Juliette Roche is also the author of intimate drawings leaving little doubt about her attraction to the sapphic theme, a tendency that her American years would only confirm.
"I WILL NEVER BE A CUBIST" When Riccitto Canudo, the director of the "celebrity art gazette" Montjoie!, introduces Juliette Roche to Albert Gleizes, a prominent figure in Cubism in 1913, she is far from discovering this innovative movement. Revealed to the Parisian public at the 1911 Independents, Cubism – at least "Salon Cubism" – has been on everyone's minds for two years. Intrigued by this new movement, Roche continues her figurative production, showcasing a wide range of her work at Bernheim-Jeune in spring 1914. It is only during her stay in Barcelona two years later, accompanied by her now-husband, that Cubist influences begin to appear in her work. While a Spanish Dancer owes much to Gleizes' paintings of the same period (exhibited at the Dalmau Gallery in December 1916), Roche quickly distinguishes herself by rejecting the Cubist orthodoxy advocated by her husband. In her series dedicated to the Ramblas of Barcelona, some adopt the frieze-like composition of Egyptian bas-reliefs; she sparingly employs the prism-like decompositions favored by Cubists and sticks to simple geometric shapes. This sequence seems to conclude with figures of exaggerated realism, where Cubism plays an even smaller role. Formally composite, her two still lifes with a porrón confirm Roche's occasional use of Cubist vocabulary. In the version at the Museum of Fine Arts in Lyon, contrasting with the background of interlocking planes, the Catalan vessel and the foreground vase, one flat, the other modeled, are exempt from any geometric stylization. In this painting, as later with her Acrobats, the appearance of colored discs undoubtedly betrays the diffuse influence of Robert and Sonia Delaunay, who, during their Portuguese period, made extensive use of them.
Upon the Gleizes' return to New York, Cubism had become one component among others of Juliette Roche's style. She uses it to compartmentalize the space of a Brooklyn hotel pool, suggesting the successive and truly breathtaking visions of a diver leaping from a diving board. Inspired by the syncopated rhythms of jazz, which she encountered upon arriving in the American metropolis, her Dancer Couples offer an eclectic version of Cubism, where shattered forms, including skyscrapers, are covered with obsessive decorative motifs. For The Chopper, her only pictorial contribution to the Dada scene, she recalls less Marcel Duchamp's Coffee Mill painted in 1911 (London, Tate) than she parodies the recent mechanographic compositions of Francis Picabia, using metallic pigments like him. The somewhat awkward placement of a small collage of newspaper clippings, transforming this representation of an everyday object into a pacifist plea, betrays an underestimation of the artistic potential of collages, at least as their inventors, Braque and Picasso, had experimented with them since 1912.
However, there is no trace of Cubism in her emblematic American Picnic with its supple forms and vibrant colors. Already employed in her representations of puppet-like dancers or acrobats tossing rings, the stylization of the bodies is spectacular, reaching its peak with two merging nude dancers whose arms trace an uninterrupted arabesque. Conceived in the secrecy of a New York studio, left unfinished, brought back to France, and to this day never exhibited, this monumental choral scene was painted directly on the canvas without a preparation layer, in the manner of a theater set. Unprecedented for the time, the composition is striking in its syncretic nature, as Juliette Roche assembles disparate elements into a strangely harmonious whole. In an idyllic landscape with a synthetic style owed partly to Paul Gauguin's Tahitian paintings as well as to Matisse's recent Dance (St. Petersburg, Hermitage Museum), long, slender creatures reminiscent of certain red figures on ancient Greek vases evolve. Painted in a vivid orange, these "red-skin" dancers with a gender-neutral nudity are distributed in three groups, whose choreography seems to recall that orchestrated by Nijinsky for The Rite of Spring. In the center of the composition, on a bright yellow carpet, two women, one smiling Black and one White, have joined one of these creatures for a moment of relaxation, even flirtation, while wild animals parade in the foreground between giant mushrooms. In superimposition, contradicting the effects of perspective, a bush of geometric motifs, drawn from a few Hopi or Navajo ceramics, inserts itself between the dancers.
Juliette Roche, depicted gazing at the viewer on the right, left no comments on this stunning composition, and its intended title has not reached us. However, it is easy to interpret this naturist vision of a utopian Golden Age, where all ethnic and sexual differentiation disappears, as a manifesto and a plea for the native populations of America. Roche repeated this fantasized image of a world without men several times (including on ceramics), as in a somewhat later work where the foreground figures, more obviously feminine, mingle with enlarged children's toys. However, the women of color, gathered around a pool beneath the windows of a patriarchal home, have now decided not to join their sisters.
Christian Briend,
Extrait du catalogue de l'exposition Juliette Roche l'Insolite, 2023
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