Biography
« PAR MOMENT, J'AI LE SENTIMENT QUE DE SAVOIR QUE DES HUMAINS FONT DE L'ART ME TOUCHE PLUS QUE N'IMPORTE QUELLE PEINTURE »
Né en 1988, Quentin Derouet est diplômé des Beaux Arts de Grenoble en 2010 et la Villa Arson en 2012, avec les félicitations du jury. La même année, il est lauréat du prix de la Ville de Nice pour son geste radical et minimal (Encore un geste d'amour) : écraser, le long d'un mur, un bouquet de roses. Entre 2012 et 2022, Quentin Derouet crée un parfum à partir de l'huile essentielle obtenue après distillation de toutes ses oeuvres de jeunesse (Intention, 2013), il invite le public à dessiner sur les cimaises des musées avec des fleurs de saison à travers son installation participative J'aime jouer avec les fleurs et vous ? (2012-2022), il élabore La Petite Théorie Mathématique des Espaces Poétiques (2012) et assure plusieurs commissariats d'expositions. En 2015, avec le soutien de l'artiste Fabrice Hyber au sein du post diplôme Les Réalisateurs en partenariat avec l'Ecole des Beaux Arts de Nantes-Saint Nazaire, il élabore avec des scientifiques et l'entreprise Meilland une nouvelle variété de rose dont la seule caractéristique serait de laisser la plus belle trace lorsqu'elle est écrasée sur un support. Il développe alors différentes séries de « rose sur toile » dialoguant aussi bien avec l'art pariétal que l'histoire de la peinture contemporaine.
Quentin Derouet travaille aujourd'hui entre ses deux ateliers, à Paris et à Comprégnac dans l'Aveyron où il cultive une roseraie et peint désormais uniquement en fonction des floraisons. Il ancre principalement ses recherches entre la réalisation de ses peintures et les institutions où il réactive ses installations in situ comme en septembre 2022 au Musée d'Art Contemporain de Strasbourg sous l'invitation de la conservatrice Anna Millers (J'aime jouer avec les fleurs et vous ?) ou encore à l'Espace Fondation Écureuil à Toulouse en janvier 2023, ainsi qu'en 2021 au Frac Champagne Ardenne (Encore un geste d'amour). Son travail a été exposé notamment au Musée d'Art Moderne de Saint-Etienne, au Musée d'Art Moderne et d'Art Contemporain de Nice en 2018, au Kunst Merano Arte en Italie en 2015, à la Villa Arson ainsi qu'au Pearl Art Museum de Shanghai en 2021 et au Musée Massena à Nice en 2022, sous le commissariat Jean-Jacques Alliagon.
 En 2018, il cofonde la galerie Pauline Pavec, avec laquelle il travaille en parallèle de sa pratique, à la redécouverte d'œuvres d'artistes historiques tels que Robert Malaval, Jacques Prévert ou Jacqueline Lamba.
 

 

Born in 1988, Quentin Derouet graduated from the Fine Arts School of Grenoble in 2010 and Villa Arson in 2012, earning accolades from the jury. In the same year, he received the City of Nice Prize for his radical and minimal gesture (Encore un geste d'amour): crushing a bouquet of roses along a wall. Between 2012 and 2022, Quentin Derouet created a fragrance from the essential oil obtained after distilling all his early works (Intention, 2013). He invited the public to draw on museum walls with seasonal flowers through his participatory installation J'aime jouer avec les fleurs et vous? (2012-2022). Additionally, he developed La Petite Théorie Mathématique des Espaces Poétiques (2012) and curated several exhibitions.

In 2015, with the support of artist Fabrice Hyber in the post-diploma program Les Réalisateurs in collaboration with the School of Fine Arts in Nantes-Saint Nazaire, Derouet collaborated with scientists and the company Meilland to create a new variety of rose. Its unique characteristic is leaving the most beautiful trace when crushed on a surface. He then developed various series of "rose on canvas," engaging with both cave art and the history of contemporary painting.

Quentin Derouet currently works between his two studios in Paris and Comprégnac in Aveyron, where he cultivates a rose garden and paints exclusively based on flowering seasons. His research is primarily anchored between creating paintings and institutions, where he reactivates his in-situ installations. This includes exhibitions at the Museum of Contemporary Art in Strasbourg in September 2022, under the invitation of curator Anna Millers (J'aime jouer avec les fleurs et vous?), at the Espace Fondation Écureuil in Toulouse in January 2023, and in 2021 at Frac Champagne Ardenne (Encore un geste d'amour). His work has been exhibited at notable venues such as the Museum of Modern Art in Saint-Etienne, the Museum of Modern and Contemporary Art in Nice in 2018, Kunst Merano Arte in Italy in 2015, Villa Arson, Pearl Art Museum in Shanghai in 2021, and the Massena Museum in Nice in 2022, curated by Jean-Jacques Alliagon.

In 2018, he co-founded the gallery Pauline Pavec, where he works in parallel with his artistic practice, rediscovering works of historical artists like Robert Malaval, Jacques Prévert, or Jacqueline Lamba.

Works
Video
Exhibitions
Texts
La naissance de l’art coïncide, à l’Âge du renne, avec un tumulte de jeux et de fête, écrivait Georges Bataille dans Lascaux ou la Naissance de l’art en 1955. En ces journées de célébration du Patrimoine : faisons la fête. C’est-à-dire : jouons et transgressons. Laissons le jeu, et son lot de hasards, nous conduire – peut-être – sur les traces et les balbutiements de la création.

La règle est simple. Un jeu d’enfant. Chacun·e est invité·e à choisir un pétale ou une fleur, à s’en emparer et à l’écraser sur un mur. Colorer, écrire, dessiner : chacun·e est libre de ses gestes ; libre de participer ou non, car un jeu commandé n’est plus un jeu. Le jeu est superflu. Il ne répond à aucune nécessité impérieuse, aucun devoir moral. Il est gratuit, improductif et son issue est incertaine. En fin de partie, que nous donnera à voir cet immense graffiti ? De quelles couleurs apparaîtront les traces dans quelques heures ? Et quelle odeur se dégagera de la pièce ?

Tout jeu a ses règles et ses limites, dans le temps et l’espace. Ici ce sont les quatre murs d’une salle et les 48h des Journées Européennes du Patrimoine. C’est dans ce cadre défini que le jeu peut devenir transgression. Dans la joie et la désinvolture, il invite à outrepasser les règles ordinaires : entacher, saccager, profaner les cimaises immaculées du musée.

La transgression se situe également dans ce geste ambigu : écraser une fleur. Écraser des dizaines de fleurs à l’heure où nous peinons tant à préserver la vie végétale de notre action. Provocation. Pourtant, comment une œuvre pourrait-elle mieux répondre aux exigences de décroissance et d’éco-responsabilité ? Un bouquet de fleurs (locales et saisonnières), un vase et quatre murs. C’est tout. Éphémère et biodégradable, cette œuvre n’encombre le monde d’aucun objet supplémentaire et ne laisse après elle que le plaisir qu’elle a suscité. C’est cette jouissance bienveillante qu’appelle la proposition de Quentin Derouet, comme une ode aux expériences de l’enfance, aux utopies de Robert Filliou et aux manières d’être vivant de Baptiste Morizot.

Anna Millers,

Conservatrice au Musée d'Art Contemporain de Strasbourg, 2022

 


 

LA ROSE FAROUCHE                

Ou

THE LORD OF THE ROSES

La rose n'a rien à voir avec la tige

et

si l'une est délicate et cruelle, sensible et charnelle, théoricienne et invraisemblable

l'autre est attendue

et

dans l'épais rideau des humides prairieselle pue

La rose blesse et tranche

                                                                             A Quentin Derouet
Je vois d’abord les cristaux d’une soude collée à l’instrument, évoquant la soul, car la rose se cache au fond d’un cabaret, et son corps glisse dans l’ombre friande d’amour, un corps construit pour les désirs, pour les coureurs, et les trop visibles voyageurs égarés sous les lights. 
 
 Je vois d’abord un fauteuil d’orchestre abandonné dans l’entrée pâle et douce. Personne ne connaît le secret merveilleux qu’il recèle, ses vies aimables et cruelles, les nocturnes enjambées dont il fut le témoin, personne n’a remarqué les nids de troubles qu’il abrite. Seul un jeune homme, à l’écart, s’évertue à tisser des vertiges, armé d’une rose telle un pinceau, une dague, sa souplesse est méritante, son encre rouge.
 
Je vois le vif, l’incarnat. Je devine la mélancolie tapie dans une anfractuosité du mur, un pli de la toile, un froissement du papier. Dans les panoplies baroques qui signent les lois d’une existence éphémère,  je perçois le déploiement des pétales tombant sur la voix, s’écrasant comme un sanglot, s’affairant pour reprendre de la vivacité, de la couleur, du jus. La rose s’expose !
 
Croise le rêve ! Crois aux passades qui te rendent orfèvre ! Plonge ! Ton dessin est une prise de parfums, ne retiens pas ta respiration ! Emplis-toi les narines de courtoisie, de poudre effervescente, baisse la main pour mieux sauter ! Baise ta langue éblouissante ! Il y en aura toujours à jouer les bigorneaux de plage, tourne la page, entre dans la rue orientale !
 
 
La nuit est folle
La nuit est souple
Et la rose farouche
A tes doigts brille
Saine farandole
A tes doigts rouges
Violette bille
 
La nuit est fille des plagiaires
Elle sait qu’elle recule masquée
Elle calme les incendiaires
Elle divague dans les mosquées
 
Elle rejoint ses sœurs terrestres
Elle abat ses cartes elle ose
Elle rase les barbes des frères
Elle flambe sous les fards et vitriole
 
La nuit est sang
Une épine est tatouée
Sur son pouls
Farouche fusée
Blesse le fou
Le vif amant
 
Quentin se tient campé devant la toile. Il connaît les devoirs du chevalier sauvage et fait de la rose son épée friable. La sanglante fête qu’il prépare prend les accoutrements d’une noce. Que lui importe si les instruments si sournoisement se réunissent, ils jaillissent pour une seule couleur que déclinent le soir et sa fatigue. L’abîme de beauté est dans la trace que laisse le geste : le frottement est un feulement ; les  griffes de la tigresse revendiquent l’assourdissant silence après suicide. Asocial, le tissu absorbe l’éros.
 
Quentin bouscule les préjugés ; dans le jardin aux allées ivres il a cueilli un bouquet et ne l’offre qu’à ceux qui aiment l’énigme primitive, les intrigues aventureuses, les poisons qui s’échappent lorsque l’on écrase leur entêtant parfum.
 
Quentin importe les songes dans la nuit étoilée et les greffe à des danses inhumaines, tribales. Je le pressens défiant les déserts, atteignant des amplitudes inégalées, ravi et tragique, sautant, liquide, brûlant, taillant dans l’océan des champs de roses la nuit glaciale régénérée quand s’arrachent un à un les pétales. La nuit est un fantôme blessé.
 
Quentin est un excitateur d’apparitions. Savamment orchestrateur ou joueur improvisé, il arpente les surfaces croisant les lumières et les ombres, j’en aurais bien fait un mystique, un amoureux, un garçon suprême et vacillant, un empereur cheminant loqueteux sur un âne couronné d’un diadème, un troll des montagnes du nord, un messager indiscret sorti des tombeaux des Khalyfes, un mécréant, un sorcier oeuvrant dans la cour des Borgia.
 
Quentin est ce peintre célèbre qui dans l’Italie du Sud assoit sa réputation sulfureuse en froissant des feuilles de ses mains raffinées d’écrivain anonyme.

 

Pierre Giquel, le15 mai 2016 

 
 

The birth of art coincides, in the Age of the Reindeer, with a tumult of games and celebration," wrote Georges Bataille in 'Lascaux or the Birth of Art' in 1955. On these Heritage Days: let's celebrate. That is, let's play and transgress. Let the game, with its element of chance, guide us - perhaps - on the traces and begginings of creation.

 

The rule is simple. Child's play. Everyone is invited to choose a petal or a flower, take hold of it, and crush it against a wall. Coloring, writing, drawing: each is free in their actions; free to participate or not, as a commanded game is no longer a game. The game is superfluous. It responds to no urgent necessity, no moral duty. It is gratuitous, unproductive, and its outcome is uncertain. At the end of the game, what will this immense graffiti show us? In a few hours, what colors will appear in the traces? And what scent will emanate from the room?

 

Every game has its rules and limits, in time and space. Here, it's the four walls of a room and the 48 hours of the European Heritage Days. It's within this defined framework that the game can become transgressive. In joy and nonchalance, it invites us to go beyond ordinary rules: stain, damage, profane the pristine walls of the museum.

 

Transgression also lies in this ambiguous gesture: crushing a flower. Crushing dozens of flowers at a time when we struggle so much to preserve plant life from our actions. Provocation. Yet, how could an artwork better meet the demands of downsizing and eco-responsibility? A bouquet of flowers (local and seasonal), a vase, and four walls. That's it. Ephemeral and biodegradable, this work doesn't clutter the world with any additional objects and leaves behind only the pleasure it has elicited. It is this benevolent enjoyment that Quentin Derouet's proposal calls for, like an ode to childhood experiences, the utopias of Robert Filliou, and the ways of being alive by Baptiste Morizot.

 

Anna Millers,

Curator at the Museum of Contemporary Art in Strasbourg, 2022

 

LA ROSE FAROUCHE

Or

THE LORD OF THE ROSES

The rose has nothing to do with the stem

and

if one is delicate and cruel, sensitive and carnal, theoretical and improbable

the other is expected

and

in the thick curtain of damp meadows, it stinks

The rose wounds and cuts

To Quentin Derouet

 

I first see the crystals of a soda glued to the instrument, evoking the soul, for the rose hides in the depths of a cabaret, and its body slides into the shadow, avid for love, a body built for desires, for runners, and too visible travelers lost under the lights.

 

I first see an abandoned orchestra chair in the pale and gentle entrance. No one knows the wonderful secret it holds, its amiable and cruel lives, the nocturnes it witnessed, and no one noticed the nests of troubles it harbors. Only a young man, apart, strives to weave vertigos, armed with a rose like a brush, a dagger; his flexibility is deserving, his ink is red.

 

I see the vivid, the crimson. I sense the melancholy lurking in a crevice of the wall, a fold of the canvas, a rustle of paper. In the baroque panoplies that sign the laws of an ephemeral existence, I perceive the deployment of petals falling on the voice, crashing like a sob, bustling to regain vivacity, color, juice. The rose is on display!

 

Cross the dream! Believe in the passageways that make you a goldsmith! Dive! Your drawing is a catch of scents, don't hold your breath! Fill your nostrils with courtesy, effervescent powder, lower your hand to jump better! Kiss your dazzling tongue! There will always be those playing beach periwinkles; turn the page, enter the oriental street!

 

The night is crazy

The night is supple

And the wild rose

Shines at your fingers

Healthy revelry

At your red fingers

Violet ball

 

The night is the daughter of plagiarists

She knows she retreats masked

She calms the arsonists

She wanders in the mosques

She joins her earthly sisters

She lays her cards, she dares

She shaves the beards of brothers

She blazes under makeup and vitriol

 

The night is blood

A thorn is tattooed

On its pulse

Wild rocket

Injures the fool

The vivid lover

 

Quentin stands firm in front of the canvas. He knows the duties of the wild knight and makes the rose his fragile sword. The bloody celebration he prepares takes on the trappings of a wedding. What does it matter if the instruments cunningly gather; they emerge for a single color that the evening and its fatigue decline. The abyss of beauty is in the trace left by the gesture: the rubbing is a hiss; the tigress's claws claim the deafening silence after suicide. Asocial, the fabric absorbs eros.

 

Quentin shakes up prejudices; in the garden of drunken paths, he has picked a bouquet and only offers it to those who love the primitive enigma, adventurous intrigues, poisons that escape when their heady scent is crushed.

 

Quentin imports dreams into the starry night and grafts them onto inhuman, tribal dances. I sense him defying deserts, reaching unequalled amplitudes, delighted and tragic, jumping, liquid, burning, cutting into the ocean of rose fields the regenerated icy night when petals are torn away one by one. The night is a wounded ghost.

 

Quentin is an exciter of apparitions. Savvy orchestrator or improvised player, he wanders surfaces crossing lights and shadows; I would have made him a mystic, a lover, a supreme and faltering boy, an emperor walking ragged on a donkey crowned with a diadem, a troll from the northern mountains, a indiscreet messenger from the tombs of the Khalyfes, an unbeliever, a sorcerer working in the court of the Borgias.

 

Quentin is that famous painter who, in southern Italy, establishes his sulfurous reputation by crumpling leaves with his refined hands as an anonymous writer.

 

Pierre Giquel, May 15, 2016

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