Biography
"Aller vers l’eau, c’est toujours un accès à la connaissance. C’est en tous cas ma manière d’en apprendre un peu plus sur le monde."
Qu’est-ce que l’habitable aujourd’hui ?Quelles relations entretient-il avec l’environnement ?Ce sont autant de questions qui orientent le travail d’Isabelle Daëron.
 
Isabelle Daëron est née en 1983, elle vit et travaille à Paris.
Diplômée de l’Ecole Nationale Supérieure de création industrielle et de l’Ecole Supérieure d’art et design de Reims, Isabelle Daëron conçoit des objets, des espaces, des installations, à partir d’une réflexion sur le milieu et les éléments naturels qui le constituent. Son approche questionne l’importance des enjeux environnementaux contemporains et leur champ d’application (flux, énergie, mobilité) tout en valorisant les ressources disponibles sur le territoire engagé par ses créations.
 
Le projet Topiques, par exemple, réunit un ensemble de dispositifs qui tirent parti des flux naturels comme l’eau, le vent, la lumière dans l’espace public. Le mot “Topique” a été choisi pour désigner une typologie d’objets autonomes déconnectés du réseau et connectés au milieu. (Topique, vient de topos et signifie “relatif à un lieu donné”). Certaines de ces réalisations : Topique-eau, une fontaine filtrant l’eau de pluie, Topique-eau-des-Cimes, un micro-réseau d’irrigation, Topique-feuilles, un collecteur de feuilles fonctionnant avec le vent, ou encore Topique-ciel, un miroir de ciel alimenté à l’eau de pluie ont reçu plusieurs récompenses : Grand Prix de la Création de la Ville de Paris (2013), Audi Talents Awards (2015), FAIRE (2018), finaliste du Human City design award (2019), lauréate des Mondes Nouveaux (2021).
 
Cette recherche sur les flux l’a amenée à imaginer des œuvres pérennes dans l’espace public : Bibliophonies, un banc qui raconte des histoires aux passants pour la Ville du Rheu (1% artistique), Aéro-Seine, un dispositif de rafraîchissement utilisant le réseau d’eau non potable de Paris (2019), Gwalenner / Les Arpenteurs, une fresque associée à des sculptures « amers » réalisé dans le cadre du 1% artistique pour la Direction Départementale des Territoires et de la Mer du Morbihan à Vannes (2020), ou encore Topique-vent : Anémochories, une œuvre pour le Village Olympique et Paralympique (2024).
 
Le travail d’Isabelle Daëron fait également l’objet d’expositions en France — lors de la Biennale internationale du design à Saint-Étienne ou encore l’exposition « Conversation(s) » au Musée d’Art Moderne de la Ville de Paris — et à l’international — pour l’International Craft Design exhibition à Taipei, la Helsinki Design Week, le CCA Kitakyushu au Japon, le Grand Hornu parmi d’autres.

En 2018, Isabelle a fondé le Studio Idaë dont l’activité se structure autour de trois champs de compétences agissant en synergie : design urbain, design espace et recherche.
 

 

Isabelle Daëron was born in 1983 and currently resides and works in Paris.


Designer and research designer, graduated from ENSCI-Les Ateliers and Esad in Reims, Isabelle Daëron designs scenarios connecting natural ressources and habitability. Her projects put into perspective the importance of environmental issues and their scope of application (flows, mobility, public space).

 

Some of her works, gathered under the « Topiques » — Topique-eau, a rainwater harvester ; Topique-ciel, a sky mirror using rainwater ; Topique-feuilles, a leaves collector —received several awards: Grand Prix de la Création de la Ville de Paris (2013), Audi Talents awards (2015), FAIRE (2018), Mondes Nouveaux (2021).

Isabelle Daëron’s work has been shown in France — Biennale internationale design in Saint-Étienne, D’Days in Paris and in the exhibition «Conversation(s) » at Musée d’Art Moderne de la Ville de Paris — and abroad — CID Grand Hornu, CCA Kitakyushu in Japon, DDP Design Museum in Seoul, among others.

 

In 2018, Isabelle Daëron founded Studio Idaë whose activity operates in three main areas acting in synergy: urban design, spatial design, and research.

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Exhibitions
Texts

REGARDER L’INVISIBLE 

 

Une femme se lève avec le soleil et travaille la terre sous ses rayons, sentant le vent en respirant profondément et buvant l'eau de la rivière qui coule à proximité. Même si nous ne vivons pas tous dans un tel environnement, le soleil, le vent et l'eau nous atteignent. Ils nous permettent de vivre. 

 

Nous considérons ces choses comme allant de soi. Pourtant, comme nous ne pouvons ni les voir ni les toucher, nous avons tendance à oublier leur importance. Nous en profitons. Il est ironique de constater que plus une chose est vitale pour notre vie, plus il est difficile de rester conscient de son existence. Si un jour ces choses disparaissaient soudainement, les humains s'en apercevraient-ils ? Il est fort probable que ceux qui l'auraient oublié seraient déjà partis. 

 

Il me semble qu'il serait grossier de demander à Isabelle Daëron pourquoi elle s'intéresse au design lié à l'eau. D'habitude, elle se dérobe face à ce genre de questions. Le vecteur de son design pointe vers ce qui est nécessaire pour que l'homme vive en tant que partie intégrante de la nature. Lui demander pourquoi serait comme demander à une personne assoiffée pourquoi elle a besoin d'eau.

 

En plus de créer des œuvres d'art, Isabelle travaille avec des entreprises et des collectivités locales pour concevoir des espaces publics, apportant ainsi de nouvelles perspectives aux problèmes quotidiens. Selon elle, le design nous donne une orientation. Il nous permet de repenser des choses que nous tenions pour acquises et de prendre conscience des vagues de changement qui nous submergent. La conception commence avant qu'une forme n'apparaisse. Il s'agit d'un processus qui consiste à chercher des points de repère dans une question floue et à trouver un chemin vers une destination invisible. 

 

Isabelle commence par créer des images, pas seulement dans sa tête, mais de véritables dessins. Elle part de rien et dessine les éléments qui entourent une question. Par exemple, des choses simples comme la façon dont la pluie qui tombe du ciel s'écoule le long d'une montagne, se transforme en rivière et devient de l'eau potable qui remplit la tasse dans la main d'une personne. Au fur et à mesure de ses recherches, elle découvre que des choses qui semblaient n'avoir aucun rapport entre elles sont en fait liées. Parfois, elle constate qu'un cycle a été interrompu. Elle utilise ce qui est à portée de main pour comprendre l'équilibre de la vie et de l'énergie naturelle.

 

Le dessin est un moyen d'exprimer un monde qui ne peut pas être entièrement capturé par des plans. Autrefois, les gens dessinaient pour rendre visible ce qu'ils ne pouvaient pas voir. Par exemple, en reliant des points lumineux dans le ciel nocturne, ils créaient des constellations, racontant des histoires qui personnifiaient la puissance invisible de la nature. C'est ainsi que les hommes ont compris que le monde contenait plus qu'eux-mêmes.

 

Par le biais du dessin, Isabelle Daëron se demande si les artifices humains n'ont pas caché plus de nature que nécessaire. Elle se demande si le lien avec la nature qui m'est nécessaire pour vivre n'a pas été rompu. S'il est devenu difficile pour les humains de sentir la présence de la nature, alors une chose que nous pouvons faire est de regarder l'invisible.

 

Yoshiko Nagai, Materia Prima #3, 2023

 


 

LOOKING AT THE INVISIBLE

 

A woman rises with the sun and works the soil beneath its rays, feeling the wind as she takes a deep breath and drinking water from the river that runs nearby. Even if we do not all live in an environment like this, the sun, wind, and water reach us. They sustain our lives. 

 

We take these things for granted. Yet because we cannot see or touch them, we tend to forget their importance. We benefit from them. How ironic it is that the more vital something is to our lives, the more difficult it is to remain aware of its existence. If one day these things suddenly vanished, would humans notice? Most likely those who had forgotten would already be gone. 

 

I feel like it would be crude to ask Isabelle Daëron why she is interested in design related to water. She usually falters I the face of such questions. The vector of her design points toward what is necessary for humans to lives as part of nature. Asking her why would be like asking a thirsty person why they need water.

 

In addition to creating art, Daëron works with corporations and local governments to design public spaces, bringing new perspectives to everyday issues. She says that design gives us direction. It allows us to rethink things we took for granted and become sensitized to the ripples of change washing over us. Design begins before a shape appears. It is a process of seeking out guideposts within a hazy issue and finding a path toward an invisible destination.

 

Daëron begins by creating images - not simply in her mind but real drawings. She starts with no foothold and draws the elements that surround an issue. For example, simple things like how rain falling from the sky flows down a mountain, coalesces into a river, and becomes drinking water that fills the cup in a person’s hand. As she researches further, she discovers that things wich at first seemed unrelated are in fact connected. Sometimes she finds that a cycle has been interrupted. She uses that is near at hand to understand the balance of life and natural energy.

 

Drawing is a way of expressing a world that cannot be fully captured by blueprints. People once drew to make visible what they could not see. For instance, by connecting points of light in the night sky, they created constellations, telling stories that personified the invisible power of nature. In this way, humans came to understand that the world contained more than themselves.

 

Trough drawing, Isabelle Daëron asks whether human contrivances have perhaps hidden more of nature than they need to. She asks if the connectivity with nature that I necessary to live has perhaps been severed. If it has become difficult for humans to sense the presence of nature, then one thing we can do is to look at the invisible.

 

Yoshiko Nagai, Materia Prima #3, 2023