« Ce nest pas le moment de dénombrer une œuvre, qui sera réunie un jour, après la tempête de fer et feu abattue sur la France. Ce jour-là, on connaîtra la force et la finesse d'une telle artiste, par ces représentations exquises de femmes, de jardins, de fleurs, où la science du dessin, l'harmonie de la couleur, la dorure de la lumière, se complétaient pour fixer la beauté fugitive de la vie, et aussi par la série de portraits gravés où l'élève d'Ingres et de Bracquemond ajoutait à ces enseignements sévères la poésie féminine?»
Gustave Geffroy après le décès de Marie Bracquemond, janvier 1916.
Issue d’un milieu plutôt modeste, Marie Bracquemond, née Quivoron, est une artiste impressionniste qui s’illustre par la diversité de son œuvre. Elle se forme d’abord à Étampes dans les années 1850, avant de recevoir les conseils de Jean-Auguste-Dominique Ingres (1780-1867). Dans les années 1860, elle approfondit sa formation à Paris auprès des peintres Désiré François Laugée (1823-1896), Émile Signol (1804-1892) et Hugues Merle (1822-1881). Entre 1859 et 1875, elle entame une carrière de peintre et expose au Salon, d’abord sous le nom de sa mère, Pasquiou ou Pasquiou-Quivoron, des portraits et des scènes inspirées du Moyen Âge et de la littérature. Son travail est alors la source de revenus du foyer qu’elle forme avec sa mère et sa demi-sœur, grâce à la commande de copies puis à son poste de professeure de dessin pour la Ville de Paris.
En 1869, son mariage avec le graveur et céramiste Félix Bracquemond (1833-1914), rencontré au musée du Louvre, influe sur sa carrière. Entre 1872 et 1881, elle met à profit sa formation de peintre sous sa direction au sein de l’atelier d’Auteuil et renouvelle le décor sur céramique pour la manufacture Haviland. Pour l’Exposition universelle de 1878, elle réalise un panneau de céramique monumental sur un sujet allégorique, Les Muses des arts, aujourd’hui perdu. Elle introduit des motifs de la vie moderne sur des vases et des assiettes, sujets développés ensuite par le dessin de presse (pour la revue La Vie moderne, entre 1879 et 1886) et en peinture autour de la figure féminine en plein air. Limitée dans son accès aux modèles, l’artiste étudie en réalité les effets de lumière en représentant maintes fois sa sœur dans son jardin de Sèvres, comme dans La Dame en blanc.
En 1879, 1880 et 1886, M. Bracquemond participe aux expositions impressionnistes, certainement à l’invitation d’Edgar Degas (1834-1917). Elle montre alors la diversité de son art (cartons préparatoires pour Les Muses des arts, faïence, peintures, aquarelles), mais sans exposer les œuvres qui s’approchent le plus, par la technique et les couleurs, de celles d’artistes du groupe (Sur la terrasse, à Sèvres, 1880). Ainsi, en 1886, elle présente non pas l’huile sur toile mais les dessins préparatoires des Trois Grâces (vers 1880). F. Bracquemond s’opposerait alors aux évolutions stylistiques de son épouse.
M. Bracquemond, qui participe en 1881 à l’exposition Black and White de la Dudley Gallery à Londres, se tourne dans les années 1880 vers l’eau-forte originale. En 1890, elle expose avec la Société des peintres-graveurs français à la galerie Durand-Ruel. Son Autoportrait gravé est particulièrement remarqué par Henri Beraldi, écrivain spécialiste des estampes. En 1893, lors de sa dernière exposition, elle présente deux estampes au sein du Woman’s Building de l’Exposition universelle de Chicago. Elle interrompt brutalement sa carrière publique et ne pratique alors la peinture et l’aquarelle que dans un cadre privé.
En 1919, trois ans après la mort de M. Bracquemond, son fils unique, Pierre Bracquemond (1870-1926), réunit cent cinquante-sept de ses œuvres pour une exposition rétrospective à la galerie Bernheim-Jeune. Gustave Geffroy, qui en préface le catalogue, avait consacré un chapitre à l’artiste dès 1894 dans son Histoire de l’impressionnisme. Si M. Bracquemond est restée de son vivant dans l’ombre de son mari artiste, et tombée ensuite dans l’oubli, des études et des expositions valorisent depuis quelques décennies son œuvre. En 2019, le musée d’Orsay exposait des dessins et aquarelles de l’artiste au sein du parcours « Femmes, art et pouvoir ». D’autres collections publiques conservent une partie de ses œuvres, à Paris (Petit Palais, Bibliothèque nationale de France), dans d’autres villes françaises (musée des Beaux-Arts à Rouen, musée Adrien Dubouché à Limoges, musée Fabre à Montpellier) et même à l’étranger (Metropolitan Museum of Art à New York et Art Institute of Chicago, entre autres).
Publication réalisée en partenariat avec le musée d’Orsay.
© Archives of Women Artists, Research and Exhibitions
From 1859 Marie Bracquemond embarked on a prolific career as a painter, initially exhibiting her works under her mother’s name at the Salon. In 1869, she married Félix Bracquemond, a painter, engraver and ceramist, who played a pivotal role in her artistic development. Between 1872 and 1881, under Félix’s guidance, she studied painting at the Atelier d’Auteuil and contributed to the re-designed ceramic decorations for the Haviland Factory.
Settled in the Villa Brancas in Sèvres, near Paris, the couple regularly invited leading figures of Impressionism, who had a certain influence on the work of Marie Bracquemond, such as Claude Monet, Edgar Degas, Henri Fantin-Latour, Édouard Manet, the Sisley’s, whom Marie represented on different occasions, and Paul Gauguin, who dedicated one of his paintings to Marie in 1886.
Marie Bracquemond’s most notable achievement came in 1878 with her creation of the monumental ceramic panel «Les Muses des Arts,» which incorporated motifs inspired by modern life. Her artistic vision extended to press drawings and luminous paintings depicting female figures in natural landscapes, despite facing limitations in accessing models.
Her participation in the Impressionist exhibitions of 1879, 1880 and 1886, at the invitation of Degas, showed Marie’s diverse artistic repertoire. Although her stylistic development occasionally diverged from that of her contemporaries, she was well-embraced by the impressionists. Indeed her style is in direct filiation of Monet, Degas or Renoir. In the 1880s, she ventured into original etchings, further expanding her creative horizons.
Her engraved self-portrait garnered acclaim at the Société des Peintres-Graveurs Français exhibition in 1890. In 1893, at her last exhibition, she presented two etchings in the Woman’s Building at the Chicago World’s Fair. As her public career ended abruptly, she decided to paint and use watercolour privately.
Following her death, her son Pierre held a retrospective exhibition in 1919, reigniting interest in her work at the Bernheim Jeune Gallery. In 1934, the Salon des Femmes Artistes Modernes (FAM) organised a retrospective of works by Marie Bracquemond and Camille Claudel.
Though overshadowed by her husband during her lifetime, recent studies and exhibitions have shed light on her legacy. Notably, the 2019 Musée d’Orsay exhibition «Women, Art and Power» showcased her drawings and watercolours, reaffirming her significant contributions to the art world.
Today, her works are celebrated in public collections worldwide, including esteemed institutions such as the Petit Palais, Orsay Museum, the Louvre Museum and Bibliothèque Nationale de France in Paris among others, the Musée des Beaux-Arts in Rouen, and the Metropolitan Museum of Art in New York. Marie Bracquemond’s legacy continues to inspire and captivate audiences, cementing her place among the distinguished ranks of Impressionist artists, on the side of Berthe Morisot and Mary Cassatt.
Chicago, Art Institute
Geneva, Musée du Petit Palais
Paris, Musée d’Orsay
Paris, Musée du Louvre
Paris, Musée Carnavalet
Paris, Petit Palais, Musée des Beaux-Arts de la Ville de Paris
Paris, CNAP
Paris, Musée des Arts Décoratifs
Paris, Mobilier National
Paris, Bibliothèque Nationale de France
Cambrai, Musée des Beaux-Arts
Limoges, Musée Adrien Dubouché
Montpellier, Musée Fabre
Poitiers, Musée Sainte-Croix
Rouen, Musée des Beaux-Arts