CADERE — RISTORI 1970: ANDRÉ CADERE | FRANÇOIS RISTORI
Des systèmes de peinture
François Ristori (1936-2015) comme André Cadere (1934-1978) appartiennent à cette génération très spécifique d'artistes français - tous peintres - qui se sont attelés, dès la fin des années 1960, à remettre en question la pratique de la peinture au sens large. Cela va de la déconstruction systématique de son support - la toile tendue sur châssis - sans pour autant totalement l'abandonner, puisque certains y reviendront par la suite, à une réflexion théorique et pratique sur leur travail et le contexte de celui-ci. Pour tous, il est question d’une remise à plat de l’acte pictural en en revisitant les fondements et en inscrivant ceux-ci dans une démarche des plus radicales, d’apparence minimaliste et d’obédience conceptuelle.
Le propos ici n’est pas d'aborder l'histoire du groupe Supports-Surfaces ou de celui qui a rassemblé Buren, Mosset, Parmentier et Toroni au tournant des années 1970, mais d'évoquer brièvement cette génération dont sont issus ces deux mouvements, considérés comme les deux dernières avant-gardes historiques du XXe siècle en France. Outre la radicalité inhérente de leur propos, c'en est une autre que l'on retiendra: l’immuable constance à leur concept de base. On pense au travail de Claude Viallat, Niele Toroni, Claude Rutault, André Cadere, Daniel Buren et bien entendu de François Ristori, un des pionniers en la matière, puisque ses premières Traces-Formes datent des années 1967-1968. À des degrés divers, tous sont fondamentalement restés fidèles aux principes constitutifs de leur œuvre, quels que soient les supports ou les surfaces utilisées et elles sont de tout ordre. Notamment parce que la radicalité de leur démarche - qu'il s'agisse d'une forme, d'une empreinte, d'une adéquation de couleur, d'un système de permutation ou de bandes alternées - les a poussés à élargir leurs propositions en développant et en approfondissant des concepts tels que protocoles, méthodes, processus ou systèmes. Ceux-ci sont déclinés sous la forme de combinaisons, d'articulations, de variations ou de répétitions assumées, multipliant ainsi les possibilités de travail tout en respectant le paradigme de départ de leurs énoncés.
Pour définir sa démarche artistique, François Ristori parle de Proposition-Peinture, tandis qu'André Cadere évoque simplement un « travail ». Pour le premier, il s'agit de ce qu'il nomme des « Traces-Formes d'aspect hexagonal se présentant conjointement, alternativement en bleu, en rouge, en blanc et jusqu'à couvrir toute la surface donnée ». Cadere, quant à lui, définit son oeuvre comme une « Barre de bois rond composée de segments en bois dont la longueur est égale à leur diamètre. Ces segments, peints en différentes couleurs, sont assemblés conformément à un système de permutation comportant chaque fois une erreur ». Dans son cas, on notera que c’est une œuvre antérieure qui est exposée ici, parmi les différentes charnières qui l’ont fait passer de la toile à la barre de bois rond, synonyme de libération totale de toute contrainte d’accrochage.
Au-delà de la différence formelle de leurs œuvres, leurs points communs sont nombreux et se nourrissent de plusieurs réflexions : sur la pratique de la peinture, sur l’utilisation des couleurs, sur le système d'élaboration du travail, sur la matérialité du support et sur la façon de l’exposer . Outre leur amitié, un autre de leur point de similitude est leur collaboration individuelle avec la galerie Yvon Lambert, où ils ne seront cependant réunis qu'une seule fois, lors d'une exposition collective d'artistes français à New York en 1976 (1).
Bernard Marcelis
(1) Yvon Lambert - The Fine Arts Building, New York, du 6 au 30 novembre 1976. L'exposition réunissait des œuvres de Daniel Buren, André Cadere, Daniel Dezeuze, Bernard Joubert, François Ristori, Niele Toroni et Jean-Louis Vila.