LES DÉSERTEURS : Vernissage mercredi 4 décembre 2024 — 17h-21h

Overview

BAS JAN ADER | MARIE BRACQUEMOND | GUSTAVE COURBET | SALVATOR DALÍ | QUENTIN DEROUET | SIMON HANTAÏ | VICTOR HUGO | JACQUELINE LAMBA | GHERASIM LUCA | ROBERT MALAVAL |  FLORA MOSCOVICI | OLIVIER MOSSET | GEORGES RIBEMONT-DESSAIGNES | JULIETTE ROCHE |  MATHILDE ROSIER | AURÉLIA ZAHEDI

 

« Pour ma part, je serai toujours du côté des déserteurs »   Annie Le Brun

 
L’histoire de l’art regorge de figures qui ont choisi de s’effacer, de se retirer, pour s’affirmer, par l’acte même du renoncement. D’autres ont fait face à un retrait forcé, immobilisés, contraints. En réunissant des artistes ayant emprunté des chemins de traverses, l’exposition Les Déserteurs dévoile les œuvres de personnalités hors cadres qui opèrent comme des équilibristes à la croisée du monde de l’art et qui mettent en valeur le lien intime entre création et retrait.
 
Selon Paul Ardenne, le renoncement, la désertion peut-être entendu comme une «stratégie de survie», une position de lucidité, une volonté de dissimulation où le retrait, loin d’être un échec, s’affirme comme une forme d’existence alternative. 
Dans certaines périodes marquées par des bouleversements idéologiques et économiques – comme les années 1910 ou les décennies 1960-1970 – le renoncement à l’art semble devenir une réponse face aux désillusions, lorsque les promesses de l’art de transformer la société vacillent. Cette position critique se traduit souvent par un rejet du modèle capitaliste de l’art et de la marchandisation de la création.
 
Ce repli prend alors des formes variées au fil des époques : de la vie underground de Robert Malaval à l’éloignement volontaire de Georges Ribemont-Dessaignes, Juliette Roche, Jacqueline Lamba ou Simon Hantaï, en passant par le désert arizonien d’Olivier Mosset. Pour certains, comme Flora Moscovici, Aurélia Zahedi ou Mathilde Rosier, le retrait permet la création d’un écosystème alternatif ; pour d’autres, comme Salvador Dalí ou Quentin Derouet, il ouvre un espace-temps de création prolifique. Parfois, le retrait se mue en un acte engagé, comme chez l’apatride Gherasim Luca, ou en un processus créatif incarnant l’absence même, comme chez James Lee Byars ou Bas Jan Ader qui ont fait de leur retrait un acte artistique. Dans certains cas, la « stratégie de survie » est un ultime recours, permettant aux artistes de continuer à créer alors qu’ils sont contraints : Victor Hugo à Guernesey, Gustave Courbet qui dessinait inlassablement derrière les barreaux de sa cellule, tandis que Marie Bracquemond transforma son retrait forcé en un acte de défi face à l’autorité de son mari Félix Bracquemond.
 
Léa Salavert à travers ses recherches propose également une lecture genrée du renoncement : les retraits d’artistes femmes sont souvent moins valorisés ou pathologisés, tandis que ceux des hommes sont parfois mythifiés. Ainsi, le mythe romantique de l’artiste marginal, incarné par des figures comme Rimbaud, se réactualise dans ces récits de renoncement.
 
Les Déserteurs explore donc les multiples facettes du renoncement dans l’art, qu’il soit choisi, imposé ou en réaction à un monde trop étroit pour contenir les idéaux de certains artistes. Cette exposition invite à réfléchir sur la puissance de l’absence et à considérer le geste de retrait comme une expression aussi forte, sinon plus, que l’œuvre elle-même. En redéfinissant leur propre statut, les artistes renoncent aux conventions établies pour réimaginer leur relation à l’art.
 
A la mémoire de Chantal Helenbeck 
 

 

"I, for one, will always be on the side of the Deserters’’. Annie Le Brun

 

Art History is full of figures who have chosen to step aside, to withdraw, in order to assert themselves by the very act of renunciation. Others have faced forced withdrawal, immobilised, coerced. By bringing together artists who have taken the road less travelled, Les Déserteurs reveals the works of out-of-the-box personalities who operate like tightrope walkers at the crossroads of the art world, highlighting the intimate link between creation and withdrawal.

 

According to Paul Ardenne, renunciation or desertion can be understood as a ‘survival strategy’, a position of lucidity, a desire to conceal oneself, where withdrawal, far from being a failure, asserts itself as an alternative form of existence.

In certain periods marked by ideological and economic upheaval - such as the 1910s or the 1960s and 1970s - renouncing art seems to become a response to disillusionment, when art's promise to transform society falters. This critical stance often takes the form of a rejection of the capitalist model of art and the commodification of creation.

 

This withdrawal takes various forms over the years: from the underground life of Robert Malaval to the voluntary isolation of Georges Ribemont-Dessaignes, Juliette Roche, Jacqueline Lamba and Simon Hantaï, and the Arizonian desert of Olivier Mosset. For some, like Flora Moscovici, Aurélia Zahedi and Mathilde Rosier, withdrawal allows the creation of an alternative ecosystem; for others, like Salvador Dalí and Quentin Derouet, it opens up a prolific creative space-time. Sometimes, withdrawal becomes a committed act, as with the stateless Gherasim Luca, or a creative process embodying absence itself, as with James Lee Byars or Bas Jan Ader, who turned their withdrawal into an artistic act. In some cases, the ‘survival strategy’ is a last resort, enabling artists to continue creating even though they are forced to do so: Victor Hugo in Guernsey, Gustave Courbet who drew tirelessly behind the bars of his cell, while Marie Bracquemond transformed her imposed withdrawal into an act of defiance against the authority of her husband Félix Bracquemond.

 

Léa Salavert's research also offers a gendered reading of renunciation: the withdrawals of women artists are often less valued or pathologised, while those of men are sometimes mythologised. In this way, the romantic myth of the marginal artist, embodied by figures such as Rimbaud, is revived in these stories of renunciation.

 

Les Déserteurs explores the many facets of renunciation in art, whether chosen, imposed or in reaction to a world too narrow to contain the ideals of certain artists. The exhibition invites us to reflect on the power of absence, and to consider the gesture of withdrawal as an expression as strong as, if not stronger than, the work itself. By redefining their own status, the artists renounce established conventions in order to reimagine their relationship with art.

 

In memory of Chantal Helenbeck